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Jean Gabin

Parmi ses films préférés

29 Mai 2006 , Rédigé par Philippe Publié dans #Biographie

Parmi ses films préférés, Gabin plaçait très haut La Bête Humaine et La Grande Illusion, deux films majeurs de Jean Renoir où la vérité profonde de ses personnages a incité certains critiques à parler d'un jeu annonçant l'Actor's Studio. Renoir, premier spectateur, souligna en tout cas son long travail de réflexion avant le tournage, puis la concentration extrême sur le plateau comme la précision apportée aux vêtements de ses personnages. Ainsi, dans La Bête Humaine, il soigne particulièrement l'élégance endimanchée de ce conducteur de locomotive. Dans La Grande Illusion, au contraire, la guerre a fait d'un mécanicien un officier. Il porte donc son uniforme avec la nonchalance d'un homme qui a besoin de ses aises, veste ouverte, col relevé, képi en arrière. Vingt ans plus tard, quand il s'agit pour La Traversée de Paris de devenir un peintre esthète mais agressif, il reprit le foulard clair au noeud flou de Pépé le Moko mais on se souvient surtout de son apostrophe "salauds de pauvres". Jean Moncorgé aurait préféré "cons de pauvres" : "Si j'étais à la place du mec qui travaille au Smic en usine, je descendrais dans la rue et je foutrais tout en l'air."

Plus encore que ces deux chefs-d'oeuvre, Gabin chérissait Le Président et Un singe en hiver. Le Président est fameux pour son "tunnel" (long monologue) devant la Chambre. On a dit que, comédien vaniteux, Gabin exigeait sa scène de colère. En réalité, cet introverti détestait ses "morceaux de bravoure" et, rentré à la maison, râlait : "Ah les salauds, les salauds ! M'obliger à me mettre dans un état pareil". Il restait bient cet acteur discipliné qui, pour un film, acceptait de jouer contre sa nature. Vingt ans auparavant, c'était les larmes de Gueule d'amour qui lui coûtaient. On a beaucoup utilisé la déclaration "Môme t'es mes vingt ans" pour faire de Belmondo l'héritier de Gabin, oubliant que la réplique avait été écrite pour le film. Leur complicité était réelle mais à un autre niveau. Ils organisaient des matches de foot où l'ancien "extrême gauche" Moncorgé était heureux de filer quelques buts au goal-keeper Belmondo. Jean-Paul et quelques autres se lançaient à vélo dans les critériums où tous les coups étaient permis à la grande joie de Gabin qui, pour récompenser les participants, poussait la chansonnette à la fin des repas.

Si Un singe en hiver fut son favori, c'est grâce à Michel Audiard ("Y en a marre de ces films où t'as toujours le cul dans un fauteuil. On va te faire un film de grand large") mais aussi parce qu'il dut se sentir proche de ce personnage éteint par fidélité, raisonnable par lassitude, seul enfermé dans ses déceptions. En vieillissant, lui vint le souci de son image au cinéma. Par respect pour sa famille, il renonça aux rôles et aux baisers passionnés. Il faillit refuser En cas de malheur avec Brigitte Bardot et n'aurait pas été Gaston Dominici s'il l'avait cru coupable. Par contre, il avait eu si peur pendant ces années où on ne lui proposait plus rien qu'il était moins regardant sur la qualité des rôles. Après Touchez pas au grisbi, en deux ans, il tourna neuf films et conserva ensuite une cadence à peine moins infernale. "J'ai beau lui laisser des millions, je n'arrête pas de me faire du mouron au sujet de ma famille. Je ne voudrais pas naître aujourd'hui. Cette époque m'effraie."

 

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